Parenthèse historique sur Las Vegas, dès ses débuts, bien avant que les casinos n'envahissent le strip..
Rien. Pas un souffle. Du sable et du sable, ici et là-bas, à perte de vue, sur des kilomètres et des kilomètres. Terriblement silencieux. Si austère. Immense et vide. Qui aurait pu croire, en ce milieu du XIX° siècle que naîtrait ici la ville du vice grisant, la ville des rêves de paillettes, du clinquant, du plaisir étourdissant ? Rien.
Tout semblait figer cette vallée dans la droiture la plus totale. De fait, l’arrivée des fermiers mormons en 1855 (ils repartiront dès 1857) puis l’investissement de la ville par l’armée américaine en 1864 ne signifiait-il pas par là-même la naissance d’une ville de l’ordre ? La mise en place du « State Land of Act » en 1885 qui facilite l’installation de nombreux paysans en leur permettant d’acquérir des terres à un prix très abordable, semblait encourager cette apparente destinée. Favoriser l’achat de terrains était en effet une façon de favoriser le travail.
Et pourtant…
Trois étapes majeures vont changer brutalement l’avenir de cette cité :
- 1905 voit Las Vegas s’établir comme l’étape majeur sur la ligne de chemin de fer entre Los Angeles et Salt Lake City. Cette date marque l’ouverture de la ville sur le monde et le début de son rayonnement d’abord national.
- Puis 1930 signe l’aménagement du barrage Hoover. L’arrivée de l’eau, dans une région aussi aride, assure la croissance de la vallée. Cette installation symbolise en effet la promesse d’une satiété nécessaire et d’un développement possible.
- Mais c’est essentiellement le traité issu par le Nevada légalisant les jeux d’argents le 19 mars 1931 qui marque un réel tournant. En effet, il fait définitivement entrer la ville dans l’histoire du jeu.
Forte de ces avancées, Las Vegas ouvre une ère nouvelle. Les Etats-Unis sont à cette époque le repère de la mafia coriace, riche de millions de dollars issus soit de caisses de retraites, soit de ses trafics, et très désireuse de blanchir son argent en toute discrétion. Le jeu devient la solution : tout se fait en liquide et dans tes proportions telles que la comptabilité se fait en « souplesse ».
Face à cette demande accrue, la ville s’organise. De nombreux motels sont construits pour accueillir une clientèle toujours plus nombreuse. Ainsi en 1941 le El Poncho est édifié hors de la municipalité. Le 26 décembre 1946 c’est le Flamingo crée par B. Siegel qui voit le jour. Cet homme au passé douteux, soupçonné par ses associés de détourner de l’argent, est assassiné un an plus tard.
Ces règlements de compte obscurs, ces blanchiments d’argents, l’arrivée toujours plus abondante de personnages riches et célèbres finissent d’établir la réputation de Las Vegas. Elle devient la ville de tous les possibles, de l’accomplissement des rêves les plus fous.
L’ouverture progressive de Strip Ladies (les Dames du Strip) dès les années 50 fait perdurer le souffle sulfureux déjà flottant sur la ville. Ainsi Desert Inn et Silver Slipper ouvrent en 1950; Sahara et Sands en 1952 ; Dunes, Royal Nevada et Riviera en 1955 ; Hacienda en 1956 ; Tropicana en 1957 ; Stardust, en 1958 ; San Souci en 1960 ; Westward Ho en 1963 ; Aladdin et Ceasar's Palace en 1966...
La ville des fantasmes était née.
Pourtant…
Les mentalités évoluent vers plus de rigueur morale. Une partie de la société influente est choquée par les excès propres de la vallée. Dès 1989 les lois s’abattent plus fermement sur la Sin City (la Ville du Péché). Si Las Vegas attire toujours autant, les ventes d’alcool dont désormais très réglementées, le contrôle de l’occupation des sols davantage ferme, l’attribution des licences devient plus difficile… Ce brusque réveil des consciences allait-il signer la fin de la ville du paradis sensuel ?
Il était écrit que Las Vegas garderait de sa magie fascinatrice. Si les règles se sont durcies, la fréquentation est toujours restée importante. Même la crise de 2009, qui a poussé plusieurs établissements à fermer, n’a pas semblait atteindre l’attractivité ensorceleuse de la ville. Ainsi, alors que certains motels disparaissent, d’autres sont conçus tels l’Aria en 2009 ou le Cosmopolitain en 2010.
Ce perpétuel mouvement recréateur de cette vallée voluptueuse ne symbolise-t-il pas un hors temps propre à Las Vegas ? Comme si cette ville dorée avait ses propres lois, son propre rythme dédaignant un certain ordre du monde ennuyeux…
0 COMMENTAIRE