L’industrie canadienne des jeux en ligne pourrait bientôt être soumise à de nouvelles règles encadrant la publicité pour les paris sportifs, alors qu’un projet de loi fédéral poursuit son chemin législatif à Ottawa.
Le projet de loi S-211, baptisé National Framework on Sports Betting Advertising Act, porté par la sénatrice Marty Deacon, vient d’être approuvé en commission au Sénat. Il passera prochainement à sa troisième lecture, étape préalable à son envoi à la Chambre des communes.
Un cadre national pour encadrer la publicité
Le texte charge le ministre du Patrimoine canadien d’élaborer un cadre national définissant les règles entourant les publicités liées aux jeux d’argent et aux paris sportifs. Ce cadre devrait déterminer :
- la nature des contenus publicitaires autorisés,
- les périodes de diffusion,
- et la quantité globale de publicité pouvant être diffusée.
Le projet de loi prévoit notamment que le gouvernement devra :
- Limiter ou restreindre le recours à la publicité sur les paris sportifs, y compris en interdisant la participation de célébrités ou d’athlètes dans les campagnes promotionnelles ;
- Encourager la recherche et l’échange d’informations entre provinces pour mieux prévenir les comportements addictifs, notamment chez les mineurs ;
- Établir des normes nationales de prévention et de prise en charge des personnes souffrant de dépendance au jeu.
Le ministre devra consulter l’ensemble des acteurs concernés : ministères fédéraux, provinces, territoires, communautés autochtones, régulateurs et parties prenantes du secteur. Un rapport d’application devra être remis dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la loi.
Une initiative qui fait débat
Ce n’est pas la première tentative : un texte similaire, le projet de loi S-269, avait déjà été adopté au Sénat avant de mourir au feuilleton lors de la dernière dissolution du Parlement.
Selon un sondage Maru Public Opinion publié en mars 2024, 60 % des Canadiens estiment qu’il faut instaurer une interdiction nationale immédiate des publicités pour les paris sportifs.
L’inquiétude grandissante autour des jeunes
Pour la sénatrice Marty Deacon, la multiplication des annonces autour des paris sportifs est devenue un problème de société, en particulier pour les jeunes. Elle évoque aussi la hausse du nombre de joueurs compulsifs adultes, constamment exposés à des incitations lorsqu’ils regardent un match. Selon elle, les conséquences s’étendent à la santé mentale, mais aussi à des drames collatéraux : criminalité, faillites et même suicides.
Deacon cite l’exemple du Royaume-Uni, où la légalisation des paris sportifs en 2005, avec peu de restrictions publicitaires, a conduit à environ 300,000 joueurs problématiques, dont 55,000 enfants.
Une publicité déjà en recul ?
Du côté des diffuseurs, certains estiment que la situation n’est pas alarmante.
Lors du Canadian Gaming Summit en juin dernier, Catherine MacLeod, PDG de thinkTV, a affirmé que le volume de publicités pour les paris sportifs diminue chaque année depuis l’ouverture du marché réglementé en Ontario en 2022.
« Ce n’est pas un problème de surabondance publicitaire », a-t-elle déclaré. « Et soyons honnêtes : si vous cherchez à atteindre les enfants, la télévision n’est pas l’endroit. Ils n’y sont plus. »
MacLeod souligne que les chaînes cherchent à agir de manière responsable, tout en rappelant que le marché gris restait massif avant la régulation :
« La mise en place d’un marché légal a permis de canaliser les revenus et de combattre les opérateurs non réglementés. »
Les ligues sportives réagissent
Même la NFL a exprimé ses réserves face au projet de loi. Dans une lettre adressée au Sénat en septembre 2024, Jonathan Nabavi, vice-président des affaires publiques de la ligue, a estimé que :
« Limiter excessivement la publicité responsable nuirait à la lutte contre les sites de paris illégaux, qui nécessite une offre légale forte et surveillée. »
En résumé
Le projet de loi S-211 vise à instaurer une réglementation nationale stricte sur la publicité liée aux paris sportifs, avec un accent mis sur la protection des jeunes et la santé publique.
Ses opposants craignent toutefois qu’une telle régulation ne freine le marché légal et bénéficie indirectement aux opérateurs illégaux. Le débat promet d’être animé au Parlement, où la question de l’équilibre entre responsabilité sociale et liberté commerciale est plus que jamais au cœur du jeu.


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